NEWMAN ET RIELO FACE À LA SOUFFRANCE Pascale VINCETTE

Études newmaniennes  n°30 (2014)

« Nous sommes héritiers avec le Christ si nous souffrons avec lui  

pour être avec lui dans la gloire » (Rm 8,17) 

Introduction 

Newman comme Rielo[1] ont côtoyé de près la souffrance, qu’elle soit physique, morale ou spirituelle. Ils ont tous deux frôlé la mort étant encore jeunes : l’universitaire d’Oxford y échappa de peu lors de son voyage en Sicile ; Rielo faillit mourir à quatre reprises pendant son enfance, la Guerre Civile espagnole le frappa de plein fouet à l’adolescence, et le reste de sa vie fut jalonné par de nombreuses et graves opérations[2]. La perte de personnes chères leur causa une immense douleur : pensons en particulier à ce que représenta pour John Henry le départ brutal de sa plus jeune sœur Mary. Les deux hommes ont surtout fait preuve d’un renoncement héroïque et d’une authentique mort au monde et à eux-mêmes : Newman, spécialement à l’occasion de son passage dans l’Église catholique. Cette méditation du converti, qui témoigne avant tout de sa totale confiance en Dieu dans les épreuves, nous renseigne en même temps sur la nature de celles qu’il eut à supporter :  

Ma maladie, mon trouble ou mon affliction peuvent être les moyens nécessaires à l’accomplissement d’une fin qui me dépasse. Il ne fait rien en vain ; qu’Il prolonge ma vie, ou qu’Il l’écourte, Il sait ce qu’Il fait. Qu’Il m’enlève mes amis, qu’Il me fasse vivre parmi des étrangers, qu’Il me fasse goûter l’amertume et la désolation, qu’Il me voile l’avenir, Il sait toujours ce qu’Il fait.[3]  

Rielo, lui, souffrit énormément de l’interdiction, pendant de longues années, de l’Institut religieux qu’il avait fondé, dans le diocèse même où il l’avait fondé. Son esprit d’abnégation et d’obéissance face à l’incompréhension et à l’humiliation furent exemplaires[4]. Et l’on pourrait multiplier les exemples de cette communion des deux penseurs dans la douleur et le malheur : suite à un article à propos de la consultation des fidèles en matière de doctrine, Newman est dénoncé à Rome pour hérésie et, à cause d’une lettre qui ne lui sera jamais remise, près de huit années seront nécessaires pour que la suspicion soit écartée ! Il soulignera alors dans son journal ce contraste : « comme protestant, je trouvais ma religion triste, mais pas ma vie ; mais comme catholique, c’est ma vie qui est triste, pas ma religion »[5].

C’est donc à partir de leur propre vécu, toujours avec pudeur, tantôt avec lyrisme, tantôt de manière satirique, à travers lettres, poèmes, méditations, pamphlets, essais, sermons ou conférences, qu’ils communiquèrent leur expérience de la souffrance et la sagesse qu’ils en retirèrent. Voyons d’abord comment les deux hommes posent le problème de la souffrance et la question de son origine et, avant d’étudier la réponse qu’ils y apportent, à la suite du Christ, penchons-nous sur leur rejet commun de la raison comme prétendue source d’explication. 

I. Comment Newman et Rielo posent le problème de la souffrance et de son origine 

La souffrance est un fait universel en un double sens : elle est inhérente à tout être humain et à tout l’être humain. Elle concerne l’homme dans son intégralité, d’où ses multiples facettes dont le dénominateur commun, chez Rielo, est le manque en tant que frustration :  

Quand je parle de douleur, c’est toute la douleur humaine, toute souffrance de la vie, aussi petite soit-elle, la gêne, l’incompréhension, la solitude, l’injustice, la misère, la maladie, les malheurs, la mort. La douleur représente ici toute frustration ; par exemple, celle du pauvre qui n’a pas de quoi manger, celle de celui qui ne sait ni lire ni écrire, celle de celui qui subit des malheurs personnels, des situations d’injustice, des guerres, la frustration due à tous types de besoin dans cette vie. La douleur ne connaît aucune exception. La douleur est un fait universel qui ne se limite ni ne se réduit à des spécialités. N’importe quoi, n’importe quelle frustration ou carence, produit la douleur.6

Parmi cet éventail d’expériences douloureuses, qui ne reconnaît son lot ? Quoique nous ne soyons pas égaux devant la souffrance, tôt ou tard, souligne Newman, « nous avons tous plus ou moins à passer par la souffrance et le chagrin ». Et il poursuit, dans un sermon intitulé « L’affliction, école de consolation » : « Si par hasard nous avons quelques années ensoleillées, c’est que les tourments, lorsqu’ils viendront, n’en tomberont que plus drus. Telle est du moins la règle générale »[6].  

Tous n’ont pas souffert la même chose [constate de même Rielo dans son Apologétique forensique[7]], et certains peuvent se considérer comme privilégiés à un certain moment de leur existence. Beaucoup peuvent sans doute dire : « Je n’ai rien, je me sens bien, je m’ennuie de temps à autre […], mais d’une manière générale, je vis bien… ». Cependant, les années passent jusqu’à ce que naturellement arrive pour nous l’examen, le moment de la vérité de la vie. Tous, nous arrivons à cette heure. Il y a, en général, une appréhension humaine de la souffrance.9

D’où vient ce fait, cette quasi « fatalité » de la souffrance ? Dans son essai philosophique de 1870, Newman observe la réponse de la religion naturelle face à l’amoncellement incommensurable de douleurs que notre seule génération a endurées et endurera de la naissance à la mort, ajouté à « toute la peine qui s’est abattue et qui s’abattra sur notre race à travers les siècles passés et à venir ». « Le mystère réel » c’est, selon elle, « non pas que le mal ne doive jamais avoir de fin, mais qu’il ait pu avoir un commencement ». On ne peut l’expliquer qu’« en disant qu’une autre volonté en dehors de la Sienne [celle de Dieu] a eu une part dans la disposition de son œuvre, qu’il y a une querelle sans remède, une aliénation chronique, entre Dieu et l’homme »[8].  

Nos deux penseurs chrétiens se rallient évidemment à la Révélation biblique et à la doctrine de l’Église pour faire remonter l’origine de la souffrance à la chute originelle (cf. Gn 3). La désobéissance d’Adam et Ève eut pour conséquence l’avènement de la « peine », de la souffrance et de la mort, auxquelles il faudrait ajouter l’ignorance et l’inclination au péché[9]. D’où le lien étroit entre ces différents aspects du mal en général. Mais revenons à la souffrance humaine. L’auteur de la Grammaire de l’assentiment déclare on ne peut plus explicitement que, « dans sa résolution dernière, [elle] est le châtiment du péché »[10]. En effet, le fruit du péché originel devait se transmettre de génération en génération, même si la descendance d’Adam et Ève n’était pas coupable. Selon Newman, dans l’Apologia cette fois, pour qui reconnaît l’existence de Dieu en même temps que celle du mal, il s’est forcément passé quelque chose d’anormal : 

il semble que la race humaine soit impliquée dans quelque terrible calamité originelle [qui] n’a rien de commun avec les desseins du Créateur. Ceci est un fait aussi vrai que le fait même de son existence, et ainsi la doctrine de ce que la théologie appelle le péché originel devient […] presque aussi certaine que l’existence du monde et l’existence de Dieu.13  

Fernando Rielo évoque la situation de nos premiers parents créés dans un état préternaturel, élevé à l’ordre surnaturel, et donc protégés par la Providence. Ils ne devaient connaître ni mort, ni souffrance, ni maux d’aucune sorte. Le péché originel changea la donne et, conformément à la mise en garde, les dons préternaturels comme surnaturels leur furent retirés :  

Adam et Eve violèrent […] le pouvoir mystique de la nature humaine. Ils savourèrent par eux-mêmes le bien avec son bonheur de la vie et le mal avec sa douleur de la mort, faisant ainsi de notre mystique déité une déité blessée, déprimée, sujette à la douleur et à la mort.[11]  

Et voici comment Rielo explique la transmission du péché : les dons préternaturels comme surnaturels, ne pouvant pas être « retirés » à des personnes qui n’existaient pas encore et qui, par conséquent, n’avaient pas eu l’occasion de pécher, ne furent tout simplement pas « donnés » aux générations suivantes. 

Lorsque Newman évoque les effets anarchiques du péché originel, il en parle en termes de « pertes », l’une d’elles consistant justement en la privation d’une « lumière surnaturelle », d’une « plénitude de grâce surajoutée » : « à la chute, nous ne sommes pas devenus d’autres êtres, mais nous avons perdu des dons qu’on nous avait accordés en nous créant »[12]. À la différence de la doctrine protestante qui soutient une perversion radicale de la nature humaine, la principale chose qu’ait perdue Adam, selon Newman, dépasse sa nature : il s’agit de « la présence de l’Esprit »[13]. Ce sera le titre de l’un de ses sermons dans lequel l’Esprit Saint, qui nous a fait renaître, est celui qui restitue « l’image de notre Père du ciel que nous avions perdue par la chute d’Adam » ainsi que « cette liberté du vouloir et de l’agir, cette droiture et cette innocence, dans lesquelles Adam avait été créé. Il nous unit à tous les êtres saints, comme auparavant nous étions en relation avec le mal »[14].

II. La raison peut-elle être de quelque secours face à la souffrance ? 

Pour Newman, la religion naturelle reconnaît la maladie et le mal, et elle pressent son origine dans un « grand abîme » établi entre le créateur et sa créature, « mais elle ne peut pas trouver le remède, elle ne fait que [le] rechercher »[15]. Il est normal de se demander d’où vient le mal, ou pourquoi l’Être Suprême, s’Il est tout-puissant, tout-aimant, permet la souffrance. Toutefois, ces questions « doivent surgir dans tout esprit qui pense et, après le meilleur usage de la raison, être mises délibérément de côté, comme étant au-delà de la raison, comme des impasses […] qui, n’ayant aucune issue elles-mêmes, n’ont aucun pouvoir légitime de nous détourner de la grande voie royale »[16]. La foi ressortira parfois affaiblie à cause des obstacles et objections émis par la raison, mais elle ne sera jamais détruite. Selon une expression chère à Newman, « mille difficultés ne font pas un doute ». En le paraphrasant, on pourrait dire que mille impasses ne sauraient empêcher l’accès à la voie royale…  

Néanmoins, la voie royale reste une porte étroite. Face à la souffrance, il y a donc un « combat de la foi » à mener. Cette « conception plus profonde » signifie « que la sainteté est cheminement, changement, effort pénible, que le salut s’opère dans la crainte et le tremblement, qu’il faut se préparer à la rencontre avec Dieu et attendre le jugement », contrairement à la position de ceux qui « chassent de la religion toute notion de renoncement [et] récusent l’idée qu’il faut un effort et un combat de la foi pour vaincre notre volonté corrompue »[17].

Dans un pamphlet satirique en réponse à l’allocution du député Tory Sir Robert Peel, lors de l’inauguration d’une bibliothèque publique en 1841, Newman s’insurge contre l’idée que ce qu’il y a de meilleur en nous ne viendrait pas du dedans mais du dehors, ne se forgerait pas à travers des luttes et des souffrances personnelles, mais découlerait de quelque conception abstraite de la vertu ou du contact passif avec des influences sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. Il illustre ensuite son propos par l’exemple suivant :  

Au philosophe qui venait de perdre sa fille, Rasselas disait : « Monsieur, la mort est un événement qui ne saurait jamais prendre le sage au dépourvu ». À quoi le père affligé répondait : « Jeune homme, vous parlez comme quelqu’un qui n’a jamais connu les affres de la séparation. Quel réconfort peuvent m’apporter la vérité et la raison ? Qu’ont-elles pour effet à cette heure, sinon de me dire que ma fille ne me sera pas rendue ? » […] Qui a jamais été incité à accomplir un acte discret d’abnégation, ou s’est trouvé armé contre la douleur ou le danger par l’immense savoir de Laplace […] ou de tous ces « esprits puissants » dont Lord Brougham et Sir 

Robert font l’éloge ?[18]

Newman ajoute plus loin, non sans une pointe d’ironie : « [La gloire et le savoir] peuvent-ils ressusciter des morts ? Peuvent-ils faire autre chose que démontrer la faiblesse humaine et laisser entrevoir le remède divin ? ». « La grande différence entre l’objet du christianisme et celui de la croyance païenne, déclare-t-il encore, c’est que ni la gloire, ni la science, ni le savoir, ni aucune autre réalité dotée d’une appellation flatteuse n’a jamais guéri un cœur meurtri ni transformé une âme pécheresse »[19].

De même, Rielo souligne les limites d’une explication strictement rationnelle de la souffrance : la raison fermée sur ellemême, de par sa conception identitatique – « la souffrance pour la souffrance » –, fait qu’« un mal physique, comme le mal moral, n’a aucun sens »[20]. « Nous devons laisser le donum fidei élever et transformer notre raison qui, par elle-même, ne peut “videncier” le céleste »[21], c’est-à-dire avoir une vue bien formée, en l’occurrence ici de la souffrance, une vue ayant unité, direction et sens. 

Si Dieu est miséricordieux, comment expliquer rationnellement toute la souffrance humaine, passée et à venir ?25Sûrement pas par la logique formelle, car en suivant la démarche syllogistique, « si les tragédies humaines ont lieu, Dieu n’est pas miséricordieux ; or, les tragédies humaines ont lieu ; donc, Dieu n’est pas miséricordieux ». Pas davantage par les faits miraculeux qui arrivent çà et là, de manière inégale, car pourquoi tel enfant est-il guéri et tel autre, lui, ne l’est pas ? Quant à l’explication du type de celle que le Christ a donnée à sainte Thérèse de Jésus, alors qu’elle se plaignait de tout ce qu’endurait saint Jean de la Croix – « C’est ainsi que je traite mes amis » –, quelle est la raison qui ne resterait perplexe face à une telle réponse ? S’il s’agit de comprendre parfaitement comment se conjugue l’infinie miséricorde divine avec l’humanité qu’elle a créée et qui est « en train de succomber misérablement face à la souffrance »26, la raison peut s’avouer vaincue d’avance. 

La raison doit pourtant pouvoir tirer un certain profit de l’épreuve et de la souffrance. Oui, à condition de ne « jamais oublier qu’en elles-mêmes, [ces dernières] ne sauraient nous rendre plus saints ou plus pieux », répond Newman. En effet, « la vie la plus sévère d’extrême mortification n’est pas plus un passeport pour le paradis ou un garant de sainteté que la bonté, l’efficacité ou la gentillesse » 27. Et dans la Grammaire de l’assentiment, il illustre son propos par le « principe de substitution », fondement de la structure de toute société : « Le fardeau final de responsabilité, quand nous serons appelés au jugement, est le nôtre propre ; mais parmi les moyens qui nous préparent à ce jugement, il y a les efforts et les peines acceptés par les autres en notre faveur », et vice-versa. Par exemple, « les parents travaillent et endurent de la peine pour que leurs enfants prospèrent ; les enfants souffrent pour le péché de leurs parents ». Là encore, dans cette médiation tantôt « obligatoire », tantôt « volontaire », la raison 

directions contraires ; ils sont opposés entre eux dans le champ des faits, dans le champ de l’histoire, et toute philosophie spéculative à propos de leur harmonie n’est pas vraie, parce que l’expérience dit que cela n’est pas vrai. Ce n’est pas que c’est une utopie, c’est que ce n’est pas vrai ». 

  • « Si tu es infiniment miséricordieux, comment expliquer la quantité de crimes, d’injustices et, en général, tout le poids de la souffrance humaine qu’il y a eu dans le monde et qu’il continue d’y avoir ? Cela est clair, personne ne peut le nier. Celui qui te pose la question, c’est la raison humaine » (Cristo hoy. El criterio de credibilidad y el don de la fe, p. 67-68).  
  • Cristo hoy. El criterio de credibilidad y el don de la fe, p. 96. 
  • V, 21 (« L’affliction, école de consolation »), p. 258-259. 

pourrait réclamer plus de justice de la part de « cette loi [qui] nous englobe tous » :  

La punition qui est méritée par le mari tombe sur la femme ; les bienfaits que partagent toutes les classes sont le fruit du labeur insalubre et dangereux de quelques-uns. Les soldats endurent blessures et mort pour ceux qui restent chez eux ; et des ministres d’État tombent victimes de leur zèle pour leurs compatriotes qui ne font guère autre chose que critiquer leurs actions. [Au final] nous souffrons tous l’un pour l’autre et bénéficions des souffrances les uns des autres. Car l’homme n’est jamais seul ici-bas.[22]  

Toutefois, seul le Christ, par son incarnation et sa rédemption, « rompt définitivement l’immense tragédie de l’identité théorique […] d’une souffrance dont se sont chargées littératures et religions, en tentant de rompre son magma informe ». Et Rielo de poursuivre, par rapport à la conception toute humaine de la douleur comme 

« catharsis » : 

Que d’êtres humains ont supporté la souffrance et la mort par un authentique héroïsme au nom du bien ou de la vie de leur prochain ! La souffrance et la mort, élevées au niveau de l’art et de l’offrande, ont été la catharsis dont s’est servie l’existence humaine pour continuer à vivre avec la souffrance et la mort, parce que ce qui fait souffrir l’être humain, c’est ce qui lui appartient : son corps le fait souffrir, son âme le fait souffrir […], la souffrance de son prochain le fait souffrir…[23]

III. La réponse apportée par le Christ 

Pour Newman, le remède à la souffrance dont est acculé le genre humain « se trouve dans la doctrine centrale de la Révélation, la Médiation du Christ » et s’avère « plus efficace pour son succès qu’une encyclopédie complète de savoir scientifique et toute une bibliothèque de controverse » ; en effet, « c’est là le secret de l’énergie soutenue [du christianisme] et de ses martyrs qui n’ont jamais fléchi » : « Il a avec lui ce don d’étancher et de guérir la seule blessure profonde de la nature humaine »[24]30. Le Christ est celui qui apporte la réponse au problème du mal. En effet, « la volonté bénie et aimante du Créateur », « ses miséricordieuses intentions », ne pouvaient être que « d’intervenir dans cette situation anarchique des choses ». Et puisque le monde était « dans un état si anormal, rien de surprenant […] à ce que l’intervention fût également extraordinaire »[25].  

Newman se montre fidèle à l’interprétation paulinienne du « nouvel Adam » qui répare en profondeur, « en surabondance », la désobéissance du premier Adam : « sous le règne de l’Évangile […], nous regagnons ce que nous avions perdu. Nous sommes tels qu’auparavant, mais avec quelque chose de plus »[26]. Dans l’extrait du pamphlet cité plus haut, le leader du Mouvement d’Oxford annonçait « un remède divin ». Voici qu’il fait maintenant une véritable apologie du christianisme et d’un don surnaturel, l’unique « instrument capable de transformer l’être tout entier » et de transcender le terrestre et l’humain : la « grâce » ou la « parole » détient ce pouvoir, elle  

n’a jamais cessé d’être un principe propre à vivifier, à régénérer, à harmoniser l’être. Elle a apporté une nouvelle naissance à l’individu […]. Elle a purifié l’homme de ses maladies morales, elle a insufflé en lui espoir et énergie, lui a confié le soin de répandre la fraternité parmi ses semblables et de fonder une famille ou plutôt un royaume de saints sur la terre entière ; elle a introduit dans le monde une force nouvelle, et l’élan qu’elle a donné se fait encore sentir de nos jours avec toute sa vigueur première.[27]

Car le Christ lui-même « daigne renouveler en chacun de nous […] tout ce qu’Il a accompli et souffert dans la chair. Il est formé en nous, naît en nous, souffre en nous, ressuscite en nous, vit en nous »[28].

Pour nous racheter, le Christ « a souffert toutes les douleurs physiques et morales, sauf le péché, dans leur plénitude »[29]. Rielo traduit cette universalité de la Rédemption comme suit :  

Le Christ donne sens au non-sens de la souffrance humaine qu’il rend consubstantielle à la sienne, récapitulant en lui toute la souffrance physique, psychique et morale de la nature humaine pour l’ouvrir à la plus haute considération de l’amour : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13).[30]  

Il nous enseigne par sa parole et son exemple à prendre chacun sa croix et à « porter les fardeaux les uns des autres » (Ga 6, 2-3). 

IV. La réponse ontologique apportée par la personne humaine 

Pour Newman, « se sentir affligé des souffrances du Christ et pourtant ne pas s’engager à lui obéir » signifierait ne « pas aimer véritablement mais se moquer »[31]. Selon lui, il faut commencer par admettre l’aspect dur et pénible de ce « principe fondamental du christianisme » : pour aller au Christ, nous empruntons tous « une voie 

[…] naturellement dure ». Nous y arrivons parfois même  

par la souffrance physique, telle que les Apôtres l’ont endurée, ou bien simplement en dominant nos infirmités naturelles, ou en sacrifiant nos désirs naturels ; la souffrance peut être plus ou moins grande, publique ou privée ; mais tant que les mots « joug » et « croix » ont un sens, le fait de porter cette croix ou ce joug ne peut être que pénible ; et quoique le repos nous soit promis en récompense, il reste que le chemin de ce repos passe par la gêne et la détresse du cœur.[32]

Et dans ce même sermon intitulé « Le joug du Christ », le prédicateur anglican ajoute un autre obstacle au poids naturel du fardeau :  

Satan s’efforcera de dévier toutes nos tentatives selon ses propres objectifs […]. De toutes nos croix il peut faire des tentations : maladie, affliction, deuil, douleur, perte de perspectives d’avenir, inquiétude : tout peut devenir instrument de mal ; ainsi d’ailleurs que toute méthode de châtiment de soi-même.39  

Suivre le Christ en sa Passion entraîne à endurer la souffrance physique, à dominer nos infirmités naturelles ou encore à sacrifier nos désirs. En outre, ce parcours du combattant est rendu plus difficile par les tentatives du Malin. Mais Newman prend le soin d’ajouter que l’homme possède les armes adaptées au combat, « capables de renverser les forteresses »[33]. Et comme le confirme saint Paul en s’appuyant sur sa propre expérience, l’homme n’est jamais tenté audelà de ses forces. 

À la suite de l’Apôtre des Nations, qui « voulait que tous fassent comme lui », Newman exhorte ses paroissiens : « c’est à la portée de tous, chacun à sa place et selon la grâce qu’il a reçue »[34]. Certaines dispositions nécessaires préalables sont toutefois requises. Rielo n’aura de cesse d’encourager ses auditeurs, quels qu’ils soient, à passer en ce monde en faisant le bien qui est en leur possession. Paraphrasant l’hymne à la charité, « La souffrance de l’amour est compatissante, serviable, patiente […], entreprend tout parce que le premier fruit de la souffrance de l’amour est, à l’image du Christ, de soulager la douleur du prochain », l’humaniste espagnol déclare : 

Tout être humain, qu’il soit médecin, membre du personnel médical, avocat, professeur, qu’il ait ou pas une profession, chacun, en fonction du don, de l’expérience ou de la spécialité reçus par la vie, possède cette tâche sublime : soulager, soigner les blessures douloureuses du corps et de l’âme de ses frères et sœurs afin que se manifeste, dès ce monde, la gloire céleste d’un Père commun 

concélébré par le Fils et l’Esprit Saint.[35]  

 Pour Newman les dons de la compassion ou de l’affliction dépendent de la volonté divine, non sans les dispositions intérieures du chrétien :  

Nos sentiments ne sont pas en notre pouvoir, Dieu seul en est le maître, Dieu seul peut nous donner de pleurer quand nous voudrions le faire mais ne le pouvons pas ; seulement le voudra-t-il, si nous ne l’avons pas cherché avec tout le zèle qui nous était possible dans cette demeure de la grâce ?[36]  

Il s’agit de se mettre à son écoute et à son service, mais « se charger du joug du Christ et se mettre à son école est quelque chose de très spécial, de complètement différent de tout autre service ou disposition »[37].

Ainsi, il faut compter sur Lui, et non sur ses propres forces. Dieu seul peut faire d’un effort sur soi un instrument divin ; un renoncement ne sert les desseins de Dieu que si c’est Dieu qui l’utilise :  

Si la grâce est dans le cœur, si la force venue d’en-haut est en l’homme, alors seulement n’importe quel trait, extérieur ou intérieur, sert à son salut. Persécution, famine, épée, ne rapprochent pas plus l’âme du Christ qu’elles ne l’en éloignent. Seul le Christ peut agir, et pour agir tout lui est bon.[38]  

Par conséquent, plutôt que de s’appuyer sur la raison, c’est l’ouverture au don de la foi qui importe. C’est pourquoi « nous devons croire que Dieu est infiniment miséricordieux, qu’il s’oppose ou qu’il est contraire au donné de notre raison : la souffrance humaine »[39].

Rielo introduit une nuance capitale entre le fait de supporter la souffrance « passivement » et le fait de l’offrir en s’unissant à la rédemption du Christ : l’expression ex opere operato signifie un certain mérite « en raison de l’œuvre accomplie », de la souffrance subie, indépendamment de la croyance ou de l’attitude subjective de la personne ; l’expression ex opere operantis renvoie au contraire au mérite « en raison de l’œuvre de qui agit », selon sa disposition intérieure, son état d’offrande, son ouverture au message du Christ et à son action rédemptrice[40]. Toutefois, le Christ ayant élevé la souffrance à l’ordre surnaturel, toute souffrance devient cause de mérite. 

L’adage augustinien, « Le Dieu qui t’a créé sans toi ne te sauvera pas sans toi », est sous-jacent. Newman le traduit encore ainsi, dans l’un de ses célèbres Sermons universitaires d’Oxford : « Le Dieu toutpuissant nous attire et travaille en nous à travers notre esprit, non pas sans lui ni malgré lui »[41] ; ou dans l’un de ses Sermons paroissiaux qui porte pour titre évocateur « Le devoir de renoncement » :  

de même qu’on sèvre un enfant de son premier aliment, de même il faut sevrer l’âme de ses puérilités et la détourner des plaisirs terrestres vers les plaisirs célestes : il nous faut apprendre à nous « tenir en paix et en silence comme un enfant sevré », à nous accommoder de la perte de ce que nous aimons, mieux, à choisir de nous en priver pour l’amour du Christ.[42]

« Se tenir en paix » n’a donc rien d’un état passif. C’est un état, effectivement, comme celui qui consiste à « veiller », mais qui signifie une ouverture active et une acceptation libre face au mystère de la Passion :  

Il veille avec le Christ celui qui fait mémoire de la croix et de l’agonie du Christ et les revit en sa propre personne, celui qui prend sur lui, avec joie, ce manteau d’affliction que le Christ a porté ici-bas et a laissé derrière lui quand il est monté au ciel.  

Et le prédicateur anglican de recenser les citations de l’Apôtre qui illustrent ce « revivre » en sa personne la Passion :  

Saint Paul, qui rappelle aux Romains qu’ils « attendent la rédemption de leurs corps » au dernier jour, dit aussi : « puisque nous souffrons avec lui pour être aussi glorifiés avec lui ». S’il parle aux Corinthiens de « l’attente de notre Seigneur Jésus-Christ », il dit aussi : « Nous portons partout et toujours en notre corps les souffrances de la mort de Jésus, pour que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps ». S’il parle aux Philippiens de la « puissance de sa résurrection », il évoque aussitôt après « la communion à ses souffrances [pour] lui devenir conforme dans la mort ». S’il console les Colossiens avec l’espérance que, « quand le Christ sera manifesté […], alors vous aussi vous serez manifestés avec lui pleins de gloire », il a déjà déclaré : « je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l’Église ».[43]  

Saint Paul « témoigne ailleurs qu’“il meurt chaque jour”. Jour après jour, il est mort un peu plus à ce monde ; il a défait les liens avec la terre, et amassé un plus vaste trésor dans les cieux »[44]. Voilà le résultat de la suite du Christ, du Christ crucifié : « une transformation si grande qu’elle a été appelée la mort, ou même la crucifixion de notre état naturel »[45]. « Il ne faut rien de moins que la souffrance pour nous transformer en ce que nous devrions être : pleins de douceur, non pas durs »[46]. Dans ce même sermon, « Le joug du Christ », le prédicateur précise l’effet légitime des épreuves : « nous rendre semblables à 

Lui »54.

Dans le sermon intitulé « L’affliction, école de consolation », Newman montre que, même si le chrétien n’apparaît pas toujours pleinement libre aux yeux du monde face à l’acceptation de la souffrance, il est en fait un privilégié lorsqu’il a été visité, choisi par Dieu pour souffrir, et acquérir par-là même la grâce d’une union plus intime au Christ et la mission d’édifier et de consoler les autres :  

le Dieu tout-puissant, en faisant de l’épreuve le lot des saints, l’a sanctifiée par la grâce céleste pour leur plus grand profit. Il les sauve de l’égoïste confort que donne le monde sans les laisser sombrer dans l’égoïsme du chagrin. Il les soumet à la souffrance pour qu’ils ressemblent au Christ et se mettent à penser à lui et non à euxmêmes. Il les tourmente pour qu’ils se rapprochent de lui. Lorsqu’ils pleurent, ils sont plus avancés dans son intimité qu’en n’importe quelle autre occasion. La souffrance physique, l’inquiétude, le deuil, la détresse, sont pour ainsi dire ses envoyés.  

Il leur est donné « un avant-goût de la puissance du monde à venir » afin de pouvoir « exhorter et consoler avec autorité ». Le saint ainsi 

devenu « propriété divine », est consacré par l’affliction comme « ministre de la miséricorde divine auprès des affligés »[47].

Pour Rielo, celui qui participe de la souffrance du Christ lui appartient en quelque sorte et c’est en cette offrande totale de luimême, en ce « pouvoir de donner la vie », qu’il acquiert sa personnalité ou sa dignité.  

Le professionnalisme du médecin ou du personnel médical, en partageant de plus près la souffrance du malade, exige cette personnalité sans condition, généreuse, désintéressée, inscrite en notre déité blessée, qui est la règle d’action sûre de l’être humain avec l’être humain en vue de sa guérison.[48]

« Le Christ lui-même a offert en holocauste pour l’humanité tout son amour divin en faisant de notre souffrance “la souffrance mystique de sa souffrance divine” ». Le Christ nous a donné, dès cette vie, « le pouvoir mystique de faire de toute souffrance humaine la souffrance mystique d’amour de la souffrance divine d’amour ». La 

souffrance et la mort une fois vaincues,  

l’holocauste se trouve transformé […] en gloire céleste ; car derrière chaque souffrance offerte se cache, en héritage, une augmentation de gloire, comme en témoigne saint Paul : « nous sommes héritiers avec le Christ si nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire ».[49]

L’intention du Christ n’est pas de sauver le monde d’un coup de baguette magique mais d’y impliquer l’homme, d’ailleurs en partie responsable de la souffrance :  

Il lui offre la possibilité de se dédier lui-même, par question de principe, à la recherche et à la découverte des formules politiques, techniques, sociales et culturelles afin que l’homme lui-même ait le mérite de poursuivre son sacrifice rédempteur. […] Le Christ a rendu l’homme dépositaire de son pouvoir thaumaturgique qu’il exerce progressivement par l’effort de son intérêt pour le prochain. N’est-ce pas là le plus grand miracle, que les hommes entre eux se reconstruisent, tout en se sanctifiant ?[50]

En guise de conclusion… la réponse des saints  

La souffrance considérée d’un point de vue purement rationnel n’a ni direction ni sens. Le Christ, en se faisant homme et en acceptant librement sa Passion, l’élève à l’ordre surnaturel de sorte que toute personne souffrant participe désormais des mérites de sa croix. Ne pouvait-il pas, en vertu du caractère universel de sa rédemption, mettre un terme à la souffrance et essuyer jusqu’à la dernière larme ? Sans doute pouvait-il nous donner « la compassion, sans nous imposer d’épreuves »59, envisageait le prédicateur anglican. Qu’on l’appelle compassion ou affliction, l’homme reçoit de Dieu la capacité de porter la souffrance de son prochain et le privilège de le faire par amour, jusqu’au bout, jusqu’au don de sa propre vie, car ce sont les saints euxmêmes qui auraient réclamé ce privilège au Père, d’après l’interprétation du verset du psalmiste « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27, 46, cité par le mystique espagnol)60 : les saints ne pouvaient tolérer que les souffrances et la 

  • Sermons paroissiaux V, 21 (« L’affliction, école de consolation »), p. 259. 
  • Voici le texte intégral : « Si Toi, Christ, tu demandes que ton sang soit le dernier, c’est exactement à cela que nous nous opposons./Apparaît alors un droit divin, ce droit que j’ai de mourir aussi pour cette cause, pour la cause du Christ. Même si personne d’autre ne mourait, ce n’est pas mon affaire./– Toi, Seigneur, si tu veux, tu les délivres tous de la mort./Moi, je ne peux tolérer que la mort du Christ soit la dernière. Et bien que je sois derrière le Christ, j’ai aussi le droit divin de mourir pour cette possible forme d’éternité que le Christ, et Lui seulement, a faite réalité pour l’être humain./Quel est le sens de cette parole du Christ : “Mon Dieu, mon Dieu ! Pourquoi m’as-tu abandonné ?” (Mt 27,46) ?/Beaucoup d’explications ont été apportées./“Pourquoi m’as-tu abandonné ?” signifie pour moi que, à ce moment, nous voyons le Christ demander au Père que sa mort soit la dernière, que sa douleur soit la dernière. Mais une voix s’interpose en disant :/– Que ce soit la mienne. Ne l’écoute pas, ne l’écoute pas, ne l’écoute pas ! Moi aussi, je suis fils. Ne l’écoute pas ! La dernière mort, que ce soit la mienne. Si Lui a le droit divin pour cela, moi aussi j’ai le droit divin pour la même chose./Rationnellement parlant se dévoile comme un mystère testamentaire :/– Père, pourquoi m’as-tu abandonné entre les mains, en cet instant, de Fernando Rielo ?/J’étais dans la perspective de l’existence pour dire :/– Moi aussi je veux mourir ; moi aussi je le veux et j’ai besoin de passer par là. Ce ne peut être Lui le dernier. Ma vie est aussi valable que la sienne, que la tienne, ma vie vaut autant que la tienne, la tienne que la mienne./Tous inséparables. Nous ne pouvons nous séparer. Ou la vie est pour tous, ou la mort est pour tous. Et si la mort est pour tous, la résurrection qui est pour un l’est aussi pour tous. Tous pour tous./La résurrection est un bien universel qui possède une fonction personnelle. Le monde est aussi un bien universel qui possède une fonction personnelle, pour couvrir les besoins 

mort du Christ soient les dernières et s’y sont opposés en faisant valoir leur droit divin à mourir aussi pour cette cause, pour la cause du Christ. 

personnels. Et la mort est un fait universel./Dans ce contexte, en tenant compte de l’élévation à l’ordre surnaturel de la douleur humaine, nous pouvons comprendre parfaitement la question de l’abandon du Christ : “Pourquoi m’as-tu abandonné entre les mains ‘de’ ?”/Qu’est-ce que ce pourquoi ? C’est une affirmation : “Tu m’as abandonné”./Mais il ne dit pas expressément entre les mains de qui./– Tu m’as abandonné, entre les mains de qui ?/– Entre les mains des saints./Et en cela, je veux être comme eux ; du moins, maintenant, de manière dialectique ; c’est-àdire “en l’air”, comme il arrive de dire “en paroles”. Eh bien, je suis un saint en l’air, rien d’autre qu’en l’air. Je n’admets pas que s’interrompe l’axe de la rédemption. Il doit continuer. C’est donc un processus qui, en partant d’une origine, et en un temps déterminé, va également vers une fin dans l’ordre de l’être et dans l’ordre du temps./L’important est que le Christ a élevé à l’ordre surnaturel la douleur humaine. Voila l’axe de l’humanisme psycho-éthique du Christ. » 

(Cristo hoy. El criterio de credibilidad y el don de la fe, p. 124-126). 


[1] Fernando Rielo Pardal (Madrid, 1923 – New York, 2004) est un humaniste espagnol, à la fois poète mystique et métaphysicien. Il est le fondateur d’un Institut de Vie consacrée, les Missionnaires Identès, mais aussi d’une fondation culturelle (Fondation Fernando Rielo), d’une École de pensée (École Idente), d’une association internationale de jeunes (Jeunesse Idente), d’une association sanitaire, etc. Il a déjà fait l’objet de deux études comparatives avec Newman dans les Études newmaniennes n° 23 et 26.  

[2] Isabel Orellana Vilches, Fernando Rielo. Fundador de los Misioneros y Misioneras Identes, Bilbao, DDB, 2009, p. 22-24, 28ss, 94-95, etc. 

[3] Méditations sur la doctrine chrétienne, traduction de G. Joulié, Genève, Ad Solem, 2000, p. 29. 

[4] Ils se révèlent entre autres dans cette lettre au cardinal Secrétaire du Saint-Office : « Je suis disposé à supporter en silence la calomnie “d’illuminé protestant” et à subir l’exil que le Prélat est en train de manigancer en faisant usage de ses influences politiques dans mon pays » [« estoy dispuesto a sufrir en silencio la injuria de “iluminista protestante” y el destierro que el Prelado pueda gestionar haciendo uso de sus influencias políticas en mi nación »]. Lettre du 30 juillet 1963 citée dans I. Orellana Vilches, op. cit., p. 94. 

[5] John Henry Newman, Autobiographical Writings, Londres, Sheed & Ward, 1956, p. 254. L’article mentionné fut publié en 1859 dans The Rambler, revue catholique.  6 Fernando Rielo, Cristo hoy. El criterio de credibilidad y el don de la fe, Madrid, Fundación Fernando Rielo (Colección de Apologética Forense, 3), 2009, p. 77. 

[6] Sermons paroissiaux, Paris, Le Cerf, V, 21 (« L’affliction, école de consolation »), p. 258. 

[7] Cette série de conférences données en 1977 vient d’être publiée en 3 volumes. Dans l’introduction du 1er, l’auteur définit cette science : « L’apologétique est une forme spéciale de la critique qui se sert des recours oratoires et didactiques et qui a le sens de l’exaltation, du chant et de la louange en vue de la défense de la vérité révélée […]. Je l’appelle “Apologétique forensique” parce que c’est un débat public, extérieur, autour de questions d’un grand intérêt sur la foi, recherchant le critère de crédibilité et tout ce qui en dérive. Ce qui a trait au forum se caractérise ainsi par un exposé public dans un forum, devant un auditoire, une assemblée qui intervient activement dans le débat en avançant des arguments d’accusation et de défense envers la personne du Christ et son message […]. L’Apologétique forensique tente de souligner les valeurs des arguments positifs en faveur du Christ face aux diverses objections – philosophiques, politiques, religieuses, psychologiques, sociologiques, morales – proposées par ce même forum. Il y a des personnes qui, pour des raisons très complexes, peuvent ne pas croire en Dieu ni en l’Église ; parmi ces motifs, il faut prendre en compte les lignes de conduite, la formation idéologique, les malheurs de la vie, les échecs face au mal et à la souffrance du monde, les situations d’injustice et l’expérience de l’adversité, le mauvais exemple des croyants, sans oublier la valeur insuffisante de certains arguments théologiques et philosophiques dans le cours de l’histoire ».  9 Cristo hoy. El criterio de credibilidad y el don de la fe, p. 78. 

[8] Grammaire de l’assentiment. Paris, DDB, 1975 / Ad Solem, 2010, p. 481. Voir aussi p. 503-504. 

[9] Cf. Catéchisme de l’Église catholique, § 385-421. 

[10] Grammaire de l’assentiment, p. 489. Ce « châtiment implique un juge et une règle de justice », poursuit-il. 

Histoire de mes opinions religieuses. Paris, DDB, 1967 / Genève, Ad Solem, 2003, p. 418 (éd. anglaise, Longmans, p. 242-243). 

[11] « La definición mística del hombre y el sentido del dolor humano » (« La définition mystique de l’homme et le sens de la souffrance humaine »), Mis meditaciones desde el modelo genético. Madrid, Fundación Fernando Rielo, 2001 (Colección de Filosofía, 12), p. 184. Le terme « déité » se réfère à la création de l’homme « à l’image et à la ressemblance » de Dieu (cf. Gn 1, 26) ainsi qu’à la révélation du Christ en Jn 10, 34 : « Vous êtes des dieux ». 

[12] Sermons Universitaires. Quinze sermons prêchés devant l’Université d’Oxford de 1826 à 1843, Paris, DDB, 1955 / Paris, Ad Solem, 2007, XIV, 6.  

[13] Cf. Lectures on the Doctrine of Justification. London, Rivington, 1838 (1st ed.), 1874 

(3rd ed.), p. 159-160. 

[14] Sermons paroissiaux II, 19, p. 195. 

[15] Grammaire de l’assentiment, p. 565. Pour Newman, la religion dite « naturelle » serait fondée sur le sens du péché et de la culpabilité tandis que la soi-disant religion de la civilisation et de la philosophie est une grande dérision du fait qu’elle rejette ce fondement. Voir aussi p. 483. 

[16] Grammaire de l’assentiment, p. 289.  

[17] VII, 7 (« Le devoir de renoncement »), p. 77. 

[18] D’abord paru sous le pseudonyme « Catholicus » en février 1841 dans le Times, ce long pamphlet fut publié ensuite dans Discussions and Arguments on Various Subjects, 1872, p. 254-305. Nous empruntons ici la traduction de Paul Veyriras : 

« La Salle de lecture de Tamworth », Études newmaniennes 16 (2000), p. 20-21. 

[19] Études newmaniennes 16 (2000), p. 24-25. 

[20] Mis meditaciones desde el modelo genético, p. 184. Rielo met en garde à maintes reprises à travers son œuvre contre l’influence néfaste du principe, qu’il appelle d’ailleurs « pseudoprincipe », d’identité, par exemple les définitions vicieuses et tautologiques qui manquent de sens et n’expliquent rien du tout. Il prône la rupture de l’identité afin de restaurer l’ouverture et la communication.  

[21] Cristo hoy. El criterio de credibilidad y el don de la fe, p. 99. « Les biens divins se détériorent, ils deviennent déformés à cause de l’instrument de la raison humaine fermée en elle, égotisée. Parce que, par un mystère que nous essaierons de percer, la foi et la raison apparaissent comme les deux bras de la croix, croisés et en 

[22] Grammaire de l’assentiment, p. 488. Et Newman poursuit : « C’est un être social et il s’avance vers sa lointaine demeure comme un des membres d’une vaste communauté ». 

[23] Mis meditaciones desde el modelo genético, p. 184-185. 

[24] Grammaire de l’assentiment, p. 565-566. 

[25] Apologia, p. 419 (Édition Longmans, p. 243). 

[26] Sermons universitaires XIV, 6. Cf. « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20). Cf. 1 Co 15, 21-22.45. 

[27] La Salle de lecture de Tamworth, tr. Paul Veyriras, in Etudes newmaniennes 16 (2000), p. 24-25. 

[28] Cf. Sermons paroissiaux V, 10 (« La justice ne vient pas de nous, mais elle est cependant en nous »), p. 128. 

[29] VII, 8 (« Le joug du Christ »), p. 92-93. 

[30] Mis meditaciones desde el modelo genético, p. 185. 

[31] Sermons paroissiaux VII, 10 (« La crucifixion »), p. 112. 

[32] Sermons paroissiaux VII, 8 (« Le joug du Christ »), p. 90. 39 Ibid., p. 93. 

[33] 2 Co 10, 4, cité dans Sermons paroissiaux VII, 8, p. 94. 

[34] Sermons paroissiaux VII, 7 (« Le devoir de renoncement »), p. 84. 

[35] Mis meditaciones desde el modelo genético, p. 186. 

[36] VII, 10 (« La crucifixion »), p. 112. 

[37] Sermons paroissiaux VII, 8 (« Le joug du Christ »), p. 94. 

[38] Sermons paroissiaux V, 21 (« L’affliction, école de consolation »), p. 259. Cf. aussi : « Il pourrait, s’il le voulait, nous donner le calme, la résignation, la tendresse, la compassion, sans nous imposer d’épreuves ; mais c’est sa volonté de procéder ordinairement par les épreuves. Lui-même, lorsqu’il est descendu sur terre, a voulu apprendre par l’expérience ; ce qu’il a fait, il l’impose aussi à ses frères » (Sermons paroissiaux VII, 8 (« Le joug du Christ ») ; p. 92-93 : « Nous pouvons être sûrs qu’à moins que nous ne nous châtiions nous-mêmes, c’est Dieu qui nous châtiera ».  

[39] « Et le pourquoi de cette opposition à la raison, poursuit Rielo, ce ne sont ni les sciences, ni la culture, ni l’art ; non, l’unique raison en est que le scénario de la vie est la douleur humaine. J’appelle “douleur” l’ensemble de tous les maux, passés, ou à venir, d’ordre moral ou physique ; comme je l’ai déjà dit, les maux que l’on voudra depuis le plus petit, le plus simple jusqu’au plus grave et tragique » (Cristo hoy. El criterio de credibilidad y el don de la fe, p. 86). 

[40] Fernando Rielo, Apologética forense, 2, notes 2 et 9. 

[41] Sermons universitaires XIV, 6. 

[42] VII, 7 (« Le devoir de renoncement »), p. 80. Cf. Ps 131, 2. 

[43] Sermons paroissiaux IV, 22 (« Veiller »), p. 283. Cf. Rm 8, 23.17 ; 1 Co 1, 7 ; 2 Co 4, 10 ; Ph 3, 10 ; Col 3, 4 ; 1, 24. 

[44] Sermons paroissiaux VII, 7 (« Le devoir de renoncement »), p. 84. Cf. 2 Tm 2, 4-5 ; 1 Co 15, 31. 

[45] Sermons paroissiaux VII, 8 (« Le joug du Christ »), p. 94 ; et p. 95 : « il a fait de moi un crucifié pour le monde ». Cf. Ga 6, 14-15. 

[46] Sermons paroissiaux VII, 8 (« Le joug du Christ »), p. 92. 54 Ibid., p. 93. 

[47] Sermons paroissiaux V, 21 (« L’affliction, école de consolation »), p. 260-261. 

[48] Mis meditaciones desde el modelo genético, p. 185. 

[49] Ibid., p. 185-186, citant Rm 8, 17. 

[50] Ibid., p. 186-187. Rielo reprend ici son message pour le II° Congrès International de Médecine/Emigration.